Ce mois-ci, je vous propose de nous arrêter sur un classique de la littérature américaine, précurseur de l’absurde, certes, mais un classique plutôt mal connu… et pour cause, Bartleby, le scribe est écrasé par le poids gigantesque du roman phare de son auteur, Herman Mellville : à savoir Moby Dick.
Pourtant, peu d’œuvre peuvent se targuer de marquer les esprits avec une seule formule synthétique : « I would prefer not to » que l’on pourrait traduire en français par « Je préférerais ne pas… » ou « J’aimerais mieux pas », encore que résumer la nouvelle de Melville, par cette simple formule, s’avère assurément simpliste.
Bartleby l'écrivain, Bartleby le scribe, Bartleby : une histoire de Wall Street, et plus simplement Bartleby est donc une nouvelle de Herman Melville parue une première fois en 1853 dans le Putnam's Monthly Magazine et reprise en 1856 dans le recueil Les Contes de la véranda.
C’est un texte violemment comique ; en cela il se lit littéralement. Il s’ouvre sur le narrateur, un notaire, qui engage dans son étude un homme maigre et livide, Bartleby, pour un travail de clerc, chargé de copier des actes.
Bartleby est d’abord un travailleur consciencieux, lisse, ne parlant à personne ; il déjeune à son bureau ; il ne semble vivre que pour son travail de copiste.
Pourtant, il n’est pas seul à l’étude. Il a pour collègue trois personnages haut en couleur : Dindono, un anglais trapu, au visage vermeil et flamboyant… jusqu’à 6 heure du soir ; qui a une excessive énergie et une témérité étrange pour un écervelé ; Pincette, un jeune homme de 25 ans, blême, moustachu, ambitieux, mais qui souffre d’indigestion chronique le rendant irritable et susceptible ; Pincette ne sait pas ce qu’il veut sauf qu’il a un inextricable problème avec son pupitre ; enfin Gingembre, le garçon de course de 12 ans complète la galerie de l’étude notariale de Wall Street.
Très productif, Bartleby copie toute la journée à la lumière du soleil puis de la bougie… il est silencieux et triste.
Mais un jour, il refuse d’accomplir le travail de collation que lui demande son patron. Il ne le refuse pas ouvertement, il dit simplement qu'il « préférerait ne pas » le faire, et par conséquent ne le fait pas. Progressivement, cette formule-phrase revient systématiquement dans sa bouche : « I would prefer not to », jusqu’à ce que Bartleby cesse complètement de travailler…
En ne posant aucun choix, on renonce à l’affirmation de Soi en refusant purement et simplement d’une part, de se questionner sur ce que l’on souhaite vraiment et d’autre part, de l’assumer, de le porter. Et n’est-ce pas là le fondement même de la mission de tout juriste, avocat comme notaire ?
Crédits :
- I would prefer not to, Zabriskie Point, 1999
- Variations on an Original Theme, Op.36 'Enigma': IX. Nimrod (A. J. Jaeger) (Moderato), Edward Elgar, 1899
- Mathieu Lindon lit Bartleby - Ép. 4/0 - Herman Melville, France Culture, 2016
- Daniel Pennac parle de Bartleby, Août 2010
- Le père Noel est une ordure, Jean-Marie Poiré, 1982
- A bout de souffle, Jean-Luc Godard, 1960
Modifier le commentaire