Aujourd’hui : coup double, Me Guérin et Me Eparvier, respectivement avocat de la défense et avocat de la partie civile, dans La vérité, film de Henri-Georges Clouzot, sorti en 1960, avec Brigitte Bardot et Samy Frey dans les rôles principaux.
Dominique Marceau (alias Brigitte Bardot), une séduisante jeune femme de 20 ans, est jugée pour le meurtre de son amant, Gilbert Tellier (alias Sami Frey), près la cour d’assises de la Seine, en ce mois d’octobre 1959. La salle d’audience est tellement pleine, qu’il faut ouvrir les fenêtres pour respirer. Tous les journalistes sont là, à pronostiquer à l’avance du verdict, à faire toutes les suppositions du moment sur les deux avocats qui s’affrontent dans le prétoire : Me Guérin, chargé avec sa collaboratrice, de la défense de Dominique ; et Me Eparvier, avocat de la partie civile, Madame Tellier mère.
Le procès est un véritable spectacle et Henri-Georges Clouzot y met tous les ingrédients :
- La voix de stentor de Louis Seigner pour camper le Président de la cour
- L’accusée véritable pin-up sex symbole à qui l’on affuble tous les vices que l’on ne saurait se reconnaître
- La sœur trop parfaite, interprétée par Marie-Josée Nat, qui dissimule mal sa jalousie face à la liberté arrachée de sa cadette
- Un avocat général rondouillard insignifiant tant la messe semble dite
- Et nos deux avocats, qui ne se jaugent pas non, puisqu’ils se connaissent par cœur et intervertissent les rôles entre défense et partie civile selon l’occasion, mais qui s’affrontent pour le goût du bon mot, de la joute oratoire pour en donner à un public conquis d’avance.
A droite du jury, pour la défendre, Me Guérin, interprété par Charles Vanel. Me Guérin est un avocat d’âge mur, la soixantaine (Vanel a 67 ans lors du tournage) ; de taille moyenne, les cheveux grisonnants, mais déjà bien blancs. Il aime son métier bien qu’il lâche : c’est un si beau métier sans les clients, lorsqu’il voit sa cliente Dominique, si belle, qui s’en rien faire, sans le vouloir, provoque par sa beauté, au point qu’il récuse toutes les femmes du jury.
A gauche du jury, Me Eparvier, interprété par un Paul Meurisse, au firmament et pour cause, l’acteur a fait des études de droit à Aix-en-Provence, a été, un temps, clerc de notaire. Me Eparvier est de taille moyenne lui aussi, il a la quarantaine, les chevaux bien noirs. C’est l’avocat qui veut en découdre ; d’abord parce qu’il renvoie le procureur dans ses 22 avec sa tentative d’arrangement ; ensuite parce qu’il veut coute que coute satisfaire sa cliente en salissant autant que possible le portrait de Dominique, jusqu’à déclarer en aparté : celui-là, je le descends en flamme, à l’égard d’un témoin de la défense. C’est lui qui révèle et accentue l’instabilité chronique de l’accusée ; c’est lui qui présente l’affaire sous l’angle de la jalousie maladive de Dominique pour sa sœur Annie, à qui il faut qu’elle prenne tout… même son amant.
De vérité, nos duettistes n’en ont que faire… celle des prétoires, c’est celle qu’ils tentent d’imposer par leur verbe et leur numéro d’équilibriste du droit…
Crédits :
- Extraits de La vérité, film de Henri-Georges Clouzot, sorti en 1960
- Extraits de l’Oiseau de feu (Berceuse et Final), d’Igor Stravinsky, 1909-1910
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