Ce mois-ci, je vous propose de partir à la rencontre d’un personnage original… un personnage pictural ; le héros anonyme, quoique, d’un tableau de la Renaissance ; le mieux est bien entendu d’avoir le tableau dont il est question dans cet épisode, sous les yeux ; le lien est dans le descriptif de l’émission. Je vous propose donc de partir à la rencontre du juriste peint par le maniériste Giuseppe Arcimboldo en 1566, à Vienne. C’est l’occasion pour nous de parler de l’œil ironique, pour ne pas dire comique, du peintre sur cette profession ou plus volontiers sur les caractéristiques, le statut du juriste ou de l’avocat en pleine Renaissance habsbourgeoise.
Alors de qui ou de quoi parlons-nous ?
Il s’agit d’une huile sur toile de 64 sur 51 cm, actuellement dans les collections de la galerie nationale des portraits de Suède du Nationalmuseum à Stockholm.
Arcimboldo propose le portrait d'un juriste, reconnaît-on, constitué de carcasses de poulet déplumées et de poissons morts ; c’est la fameuse technique anthropomorphique qu’on lui connaît à travers les tableaux des 4 saisons composés de fruits et légumes, dont une célèbre série est exposée au Louvre.
Il s'agit d'un portrait en buste, vu d'en bas et de trois-quarts face. L'œil est représenté par la tête d'un oiseau mort (un poussin), dont le corps constitue son nez et dont la patte dessine la moustache. La seule joue visible est représentée par une cuisse de volaille en partie dépecée ; le menton est en forme de queue de poisson. Un maroquin tient lieu de poitrine et notre personnage porte un bonnet ou barrette typique de la Première Renaissance.
Le ventre est proéminent, gras et garni de livres. Le cou est structuré par différents feuillets. Un manteau lourd et bordé d'un col en peau de renard couvre l'ensemble.
Notre maniériste a beau de détacher de la parfaite représentation picturale de la Renaissance, les spécialistes pensent reconnaître Johan Ulrich Zasius, juriste et humaniste allemand, conseiller de l’Empereur Maximilien II dans ce juriste d’Arcimboldo.
Zasius, mort une trentaine d’année avant notre œuvre, était considéré comme l'un des plus éminents juristes au tournant du Moyen Âge et de la Renaissance.
C’est donc à lui qu’Arcimboldo pense lorsqu’il décide de peindre un juriste à la manière anthropomorphique. L’homme ventripotent de savoirs, livres au ventre et écritures au goitre, a les traits aquilins et l’œil acerbe ; figure de l’intellectuel pur jus, à la doctrine franche et carnassière envers ses contemporains. Les carcasses d’animaux en témoignent. Arcimboldo propose des portraits pour faire rire ses contemporains et cela fait sa renommée.
Crédits :
- Extraits du Nom de la rose, Jean-Jacques Annaud, 1986
- Extrait de Renaissance music, Tourdion, Arany Zoltán, 2010
- Extrait de Arcimboldo : initiation à l'oeuvre peinte, Christian Guyonnet, 2007
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